Quand on pense à l’univers du tennis professionnel, on pense peu au métier de cordeur de raquette de tennis. Et pourtant, c’est un métier à part entière, avec ses professionnels qui accompagnent chaque tournoi du circuit ATP, et du circuit Challenger. Ce sont également eux qui cordent les raquettes des tenniswomen sur le circuit WTA.
Cette situation concerne relativement peu de personnes à travers le monde, et comme nous le verrons dans cet article, ce n’est pas forcément une situation professionnelle très simple. Mais, cordeur de raquette de tennis peut aussi s’exercer de façon classique en magasin. On vous dit tout sur ce métier dans cet article.
Comment devenir cordeur de raquette de tennis ?
Le métier de cordeur de raquette de tennis professionnel s’apprend. C’est même un savoir-faire précis, qui se transmet à travers des formations professionnelles, réalisées par des cordeurs en activité sur le circuit ATP. Xavier Bremard, cordeur de tennis professionnel qui suit les tennismen professionnels dans le monde entier depuis plus de 30 ans, est d’ailleurs formateur à ce métier exigeant, exercé par des passionnés de la balle jaune.
Il existe plusieurs niveaux de formation à la pose d’un nouveau cordage. Ainsi, certaines entreprises proposent des stages d’initiation sur une journée, quand d’autres formations s’étendent sur 3 jours. Plus souvent, ces dernières portent sur un objet plus large comme « la réparation de matériel de tennis ».
Cordeur de raquette de tennis professionnel : comment s’exerce ce métier ?
Nous avons interrogé Xavier Brémard, cordeur professionnel qui exerce depuis plus de 30 ans, sur les tournois les plus prestigieux de la planète. Il a fait son premier Roland Garros en tant que cordeur en 1995, et a couvert trois des quatre tournois du Grand Chelem. Il ne lui manque que l’US Open, pour parfaire son palmarès.
Il nous a révélé au cours de l’interview que tous les cordeurs sur le circuit sont aujourd’hui indépendants. Même si lors d’un tournoi ils représentent une marque, l’équipementier du tournoi (qui fournit bien souvent à la fois le stand de cordage et les balles), les cordeurs sont sous un statut indépendant.
10 à 12 tournois par an
Xavier Brémard nous explique réaliser « 10 à 12 tournois par an », car chaque tournoi représente « une dizaine de jours » de travail. En effet, dans un ATP 250 comme l’Open 13, qui dure 8 jours pleins en comptant les qualifications, les cordeurs doivent compter plus de 10 jours de travail, qui incluent la pose et les réglages des machines à corder les raquettes. En effet, ces machines de pointe sont calibrées avec des poids pour vérifier que la tension affichée corresponde à la tension réelle. Elles sont également calibrées entre elles, pour que toutes soient interchangeables.
A noter aussi que les cordeurs voyagent dans le monde entier. Ils doivent donc aussi se remettre du jet lag, à l’instar des tennismen et tenniswomen professionnels.

Un métier qui s’exerce en tant qu’indépendant
Xavier Brémard nous explique que le métier de cordeur de raquette de tennis professionnel s’exerce sous statut indépendant car « aucune marque n’est aujourd’hui capable de garantir une saison complète à un cordeur ». Car aucun équipementier qui sponsorise les tournois sur le circuit ATP et Challenger n’est en position dominante (Yonex, Babolat, Tecnifibre, Luxilon…) à ce jour.
Ainsi, certains cordeurs sont dans une situation précaire. Xavier Brémard nous indique connaître « un cordeur qui exerce en parallèle comme apiculteur, un autre qui fait sa propre bière, et un autre qui est chauffeur le reste de l’année ». Le métier de cordeur de tennis professionnel ne déroge pas à la règle selon laquelle les métiers passions riment bien souvent avec une précarité financière. Attention, la plupart parviennent à en vivre. Mais ils sont peu nombreux, et les places sur le circuit ATP sont chères. Un cordeur de raquette de tennis professionnel peut aussi exercer en magasin de sport, ou aux sièges des marques pour préparer les raquettes des joueurs élite toute l’année.

14h de travail par jour
Xavier Brémard nous indique que le métier de cordeur de raquette de tennis sur le circuit ATP est éprouvant en terme de rythme. Il faut compter environ 14h de travail par jour, avec un rythme de 3 raquettes cordées chaque heure. Surtout que le niveau d’exigence d’un tennisman professionnel est très élevé, donc il n’y a pas le droit à l’erreur. Il peut même arriver qu’un joueur demande à ce que le cordage soit refait parce que la tension ou la sensation de balle ne lui correspond pas exactement.
Les cordeurs doivent composer avec le tirage au sort, l’ordre des matches et les attentes des joueurs. Par exemple, certains joueurs apprécient que leur raquette soit cordée 4h précisément avant chaque début de rencontre. Cela signifie que s’il joue à 10h, le cordeur de raquette de tennis devra être à son poste à 5h30 du matin.
Xavier Brémard nous a également confié constater une inflation du nombre de raquettes à corder, évoquant certains joueurs qui vont faire corder pas moins de 14 raquettes pour un seul match « 8 raquettes avant le match, et 6 raquettes on-court », sans citer de nom, par souci de confidentialité.
Cordeur de raquette de tennis : une ambiance internationale
Le circuit ATP étant composé de joueurs de nationalités différentes, le métier de cordeur de raquette de tennis est lui-même très international. Sur l’Open 13 2025, on compte un cordeur français et 2 cordeurs espagnols. Il faut dire que la communication est plus facile sur des détails techniques dans la langue maternelle (surtout quand il s’agit d’un détail en urgence).
Xavier Brémard, qui était cordeur sur l’Open d’Australie 2025, raconte qu’ils étaient pas moins de 22 pour corder les raquettes des joueurs engagés sur le tableau principal (128) et la semaine d’avant sur le tableau des qualifications (plus d’une centaine également). Sur le plateau de cordage, il y a des professionnels de toute nationalité : des Américains, des Britanniques, des Espagnols, des Français, et même un cordeur japonais.

Quels sont les enjeux pour le cordage de joueur professionnel ?
Xavier Brémard corde des raquettes de tennis depuis les années 1990. Il explique avoir connu « l’époque où les joueurs cordaient en boyaux naturels ». L’arrivée du monofilament en 1996 a entraîné d’autres challenges : « Avant, les joueurs cassaient quand ils jouaient en boyaux. En 1996, c’est l’arrivée des monofilaments, c’est très bien pour la prise d’effets, très bien pour le contrôle. Mais ça se détend plus vite. Donc le maître-mot aujourd’hui, c’est cette perte de tension. On doit corder pour éviter au mieux la perte de tension ».
Selon lui, la perte de tension statique (sans utiliser la raquette) se chiffre entre 10% et 15% de la tension de la raquette. Les tennismen professionnels ont chacun une façon différente de s’adapter à cette réalité. Les joueurs de double ont tendance, toujours selon Xavier Brémard, à préférer une « raquette fraîchement cordée », à la dernière minute. Inversement, les joueurs de simple sont plutôt dans l’attente d’un cordage réalisé un certain nombre d’heures avant le match (ce nombre d’heures variant d’un joueur à l’autre).
Enfin, on pourrait se dire que le métier de cordeur de raquette de tennis consiste à répéter les mêmes gestes d’un tournoi à l’autre. En réalité, Xavier Brémard nous indique que « la tension du cordage d’un même joueur va varier légèrement d’un tournoi à un autre ».
Les facteurs à l’origine de ce changement sont les suivants : la texture de la balle, les conditions de jeu (en intérieur, en extérieur, avec du vent, une forte humidité…), la surface et le revêtement du terrain (deux courts en hard peuvent avoir des vitesses différentes, tout comme deux terre battue peuvent procurer des sensations radicalement opposées). En bref, le métier de cordeur de raquette de tennis est plein de nouveaux défis.